Le réchauffement climatique est un problème global qui appelle à une réponse globale.
Cette assertion permet classiquement d’enclencher le pas sur la nécessité pour un ensemble de pays de trouver un terrain d’entente afin d’apporter une réponse collective.
C’est la démarche d’un parti politique comme Europe Écologie les Verts (EELV). Nous le prenons en exemple sachant que cette démarche est typique de l’ensemble des partis politiques médiatiques français (LREM, LR, PS, RN, LFI).
« L’ampleur de l’enjeu est telle qu’aucun État ne peut atteindre seul les objectifs ci-dessus. Par conséquent, nous avons besoin d’une coopération dans laquelle toute l’Europe […] puisse s’engager.
L’Union européenne est bien placée pour faciliter cette coopération, à condition qu’elle :
- reste ouverte à de futurs élargissements ;
- se restructure en une véritable institution démocratique ;
- réoriente ses priorités vers un modèle de développement durable d’un point de vue environnemental et social ;
- […]. »
Le cadre “naturel”, “tout trouvé” par EELV pour la coopération la plus large en Europe est celui de l’Union européenne. Mais ce cadre ne sera en mesure de tenir ses promesses qu’à condition d’être profondément réorienté “vers un modèle de développement durable d’un point de vue environnemental et social” ce qui signifie concrètement d’abandonner la conception de l’UE d’un développement durable fondé sur la croissance économique. En d’autres termes, le Parti Vert européen et EELV appellent à une profonde révision des traités européens.
Pour réussir la transition écologique la solution serait de “Changer l’Europe”.
Changer l’Europe
Les conditions
Pour changer l’Europe il faut reviserles traités. Puisqu’il s’agit d’une modification profonde, il faut l’unanimité des États membres puis la ratification en fonction des règles constitutionnelles spécifiques des États membres.
Pour que l’Union européenne soit effectivement une solution pour la transition énergétique il faut donc réviser les traités de telle sorte que la durabilité domine la quête de la croissance, de l’expansion de la consommation, du développement des échanges commerciaux au sein de l’Union ainsi qu’avec les pays tiers, de la dépendance structurelle aux importations de matières premières..etc.
Pour y arriver il faut que les 27 États voient chacun arriver au pouvoir le représentant d’un parti qui adhère à 100% aux conditions précédentes.
Si un seul État membre venait à s’y opposer, le changement serait bloqué.
Les observations
Le graphique placé en début d’article montre qu’entre 2000 et 2019 soit près de 20 ans, il n’y a jamais eu d’alignement politique des États membres.
Pire que cela, aucun parti politique européen n’a été en position de quasi monopole.
En 2019, les partis européens principaux peuvent se prévaloir des positions suivantes :
- Alliance progressiste des socialistes et démocrates au Parlement européen : 6 États membres
- Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe : 9 États membres
- Parti populaire européen : 9 États membres
Des partis politiques dont les positions sont généralement antagonistes et à mille lieux d’une compréhension des enjeux énergétiques et climatiques et encore plus loin d’une position véritablement écologique.
De plus, le regroupement par parti européen présente une vision idéalisée d’uniformité. En effet, de nombreuses nuances et contradictions existent entre représentants des partis politiques nationaux réunis au sein de ces alliances.
Bien qu’ils proposent tous systématiquement de “Changer l’Europe” à l’occasion des échéances électorales, ils n’ont jamais changé l’Europe et donc jamais tenu leurs promesses.
“- OK mais cela pourrait changer à l’avenir !?
- En fait c’est infiniment peu probable…”
Pourquoi “Changer l’Europe” est “impossible” ?
Nous avons vu historiquement l’absence de cohérence de politique entre les Etats membres et l’absence d’évolution véritable de l’Union européenne vers plus d’écologie (les soubresauts récents sont du verdissage politicien).
Les enjeux de société et les termes des débats nationaux différent très largement entre les différents États membres. La conséquence est que les résultats des élections en France n’ont pas d’impact sur les résultats en Allemagne, en Italie…etc. et inversement. Nous pouvons considérer que les résultats des élections pour l’investiture suprême au sein des différents États membres sont indépendants.
Pour “changer l’Europe”, nous l’avons vu, il faut l’unanimité. Pour avoir une “Europe écolo” il faut que l’ensemble des États membres s’aligne sur une politique écologique.
Supposons donc qu’une position écologiste (dans le bon sens du terme c’est-à-dire pas anti-science et pas anti-nucléaire — très optimiste !) commence à se faire une place dans le champ médiatique et politique de chaque État membre avec une probabilité identique de 10% de se faire élire à l’investiture suprême (hypothèse probablement optimiste).
Dans ce cas, la probabilité de l’alignement des planètes menant à une “Europe écolo" est 10% × 10% × … × 10% = 10^-27 chances d’être obtenue.
10^-27 = 0,0000000000000000000000001% de chances de se réaliser.
Une telle probabilité est très inférieure à celle de gagner au loto ou à l’euro million.
Parier l’avenir de l’espèce humaine et de la communauté nationale sur un évènement des millions de fois moins probable que de gagner au loto n’est tout simplement pas crédible.
Remarque : même en supposant 20% ou 30% de chances de gagner par État membre, l’alignement des planètes reste très improbable.
Attendre le choc ou créer le choc ?
La lutte contre le réchauffement climatique nécessite de revoir profondément notre modèle de société en renonçant à de nombreux préceptes inscrits dans le marbre des traités européens.
Expansion de la consommation, promotion des échanges commerciaux, logique d’importations, d’évasion fiscale et écologique..etc. tout cela est révolu et doit laisser place à un changement de paradigme empreint de nombreuses valeurs qu’incarne a priori la pensée de la décroissance. Si l’on se cantonne au périmètre énergétique, il s’agit de pousser à l’extrême la sobriété, l’efficacité énergétique et les sources d’énergie bas carbone — le tout sans idéologie.
Comme nous l’aurons compris par un simple calcul de probabilité, le système mis en place par l’Union européenne est auto-bloquant par nature. L’alignement des planètes qui permettrait une révision des traités est donc logiquement infiniment peu probable ce que nous avons montré. Seul un choc, qui enforcerait une véritable logique de coopération pourrait faire évoluer ce schéma. Deux types de chocs peuvent être distingués.
- Le choc exogène : Pourrait correspondre au cas d’une rupture d’approvisionnement sur les matières premières stratégiques menant à un blocage économique. Une situation véritablement chaotique ayant pour seule réponse viable une orientation politique en rupture. De ce point de vue, la crise sanitaire de 2020 n’est pas un choc.
- Le choc endogène : Pourrait correspondre au cas d’un État membre qui s’impatiente de l’inaction et de l’incohérence (voire schizophrénie) généralisée et décide de sortir de l’Union afin de mener à bien une véritable transition écologique. La sortie de l’Union justifiée par la cause écologique aurait une portée bien plus forte que le Brexit qui ne suscite finalement peu de remise en cause.
Opter pour l’attente du choc “exogène” c’est faire le choix de l’incertitude et de la mise en péril supplémentaire des sociétés. Concrètement, cette démarche consiste à temporiser bien des actions et des réductions d’émissions de gaz à effet de serre qui réduiraient d’ores et déjà les périls pour les générations à venir.
Opter pour le choc endogène permet d’inverser la quasi-totalité de ces observations.
Reprenons nos probabilités.
Les thèses écologiques ont 10% de chances de retenir la faveur populaire dans chaque État membre. Sur 27 États, la probabilité que ces idées arrivent au sommet dans au moins un pays est de 1-(0,9)^27=94% !
Si en plus de cela les écologistes intègrent dans leur démarche politique, en trame de fond (pas forcément avoué mais profondément déterminé), l’objectif d’un “Exit” (ce qui donnerait en France le concept de Frexit Ecologique, d’Itexit Écologique en Italie...etc.), il résulte une probabilité de 94% d’un choc endogène avec des conséquences directes.
Tout d’abord, pour l’Etat concerné.
Le renoncement au dogme européen permet évidemment dans un premier temps de rétablir plus de démocratie puisque l’expression populaire redevient la source des orientations politiques. Le modèle social peut alors être pensé dans une trajectoire vers un “futur bas-carbone souhaitable” (le chemin tracé par la décroissance et la science ?) sans que la contrainte budgétaire soit l’unique préoccupation. Dans ce “futur bas-carbone souhaitable” les dogmes européens d’expansion de la consommation, promotion des échanges commerciaux, logique d’importations, d’évasion..etc. n’ont plus leur place ce qui permet de recentrer les efforts d’efficacité énergétique et de production bas carbone sur les besoins fondamentaux (bien identifiés via une démarche globale de sobriété). L’union n’a plus son mot à dire sur les stratégies énergétiques ainsi que sur les aides publiques. D’importants gains efficacité sont ainsi réalisés tant sur les coûts que les délais des projets (du nucléaire en dehors de la logique de marché c’est au moins 3 fois moins cher…en prise de décision c’est aussi plus court).
Cette démarche qui permet la libération de dynamiques ancrées dans les territoires va questionner la position des États restés dans l’Union. Le choc endogène réduit l’indépendance des élections entre les États membres restants.
Il reste alors deux possibilités : soit l’alignement des planètes se produit par miracle anticipé, soit c’est la désintégration par sorties successives motivées par un changement de paradigme écologique. Dans le premier cas, la cause écologique gagne, dans le second également.